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Le chanteur du "Métèque" Georges Moustaki est mort

Publié le par Algérie libertaire

 
Le chanteur engagé et compositeur Georges Moustaki, auteur de chansons devenues des classiques comme Milord et Le Métèque, est décédé jeudi matin à l'âge de 79 ans. Retrouvez sa dernière rencontre avec L'Humanité, en 2008, à l'occasion de la sortie de l'album Solitaire.
Georges Moustaki revient avec Solitaire. Un album aux chaudes sonorités avec de nombreux invités, dont Cali ou Vincent Delerm. Georges Moustaki a gardé au fil des ans une même coolitude attachante. Le pâtre grec né à Alexandrie a su transformer cette nonchalance en art de vivre. Cela ne l'a pas empêché d'être un de nos plus tendres auteurs-interprètes de la chanson, ayant écrit pour Édith Piaf Milord et plus tard le Métèque, Ma liberté, Ma solitude, le Temps de vivre, Bahia ou Donne du rhum à ton homme. À soixante-quatorze ans, Georges Moustaki poursuit sa route en sortant Solitaire. Un album tout en douceur et chaudes harmonies musicales, où l'on retrouve certains de ses classiques, mais aussi plusieurs morceaux inédits qu'il partagera bientôt sur la scène de l'Olympia. Rencontre avec un marginal qui n'a jamais eu besoin de parler haut pour se faire entendre.
Pourquoi avoir baptisé votre album Solitaire ?
Georges Moustaki. C'est le titre d'une des chansons. C'est un mot qui convient à mon état d'esprit. L'image de quelqu'un qui aime bien tracer sa route par lui-même, sans trop de directives, de préparation. Même si je suis quelqu'un de sociable, je suis marginal. Je n'ai pas les mêmes horaires, je n'utilise pas mon temps de la même manière que la plupart des gens que je vois. Ce n'est pas une hiérarchisation des fonctions. Je suis comme ça. C'est mon caractère et ma forme de vie.
Est-ce à dire que la solitude est votre meilleure compagne ?
Georges Moustaki. C'est une citation d'une chanson : « Elle sera mon dernier jour. » Même si je la trahis de temps en temps - heureusement -, elle sera ma dernière compagne. C'est ce que je dis.
 
Quelle lecture faites-vous du Temps de nos guitares, une chanson aux accents de nostalgie où vous citez entre autres Brassens, Maxime Le Forestier, Dylan, Sacha Distel ?
Georges Moustaki. Quand on met le mot « algie », cela renvoie à une souffrance. C'est plutôt un regard mélancolique et affectif sur une époque qui m'est très chère, où j'ai fait de belles rencontres. La guitare nous a réunis dans une même vocation, les mêmes lieux. C'est simplement l'idée de célébrer et la guitare et l'amitié, la confraternité. La guitare représente tellement pour moi que j'ai eu envie de la célébrer.
Il y a aussi de belles collaborations avec Cali, Stacey Kent, Vincent Delerm, China Forbes, chanteuse des Pink Martini. Doit-on y voir une espèce de filiation ?
Georges Moustaki. Ils ont tous entre trente-cinq et quarante ans. Ce sont des gens qui m'ont apporté et à qui j'ai apporté. Cela a débouché sur des relations vraiment amicales. Ce n'est pas un coup. Il y a quelque chose de très intime qui s'est passé entre nous. C'est vrai qu'il y un décalage de génération, mais ce sont des gens qui ont une grande maturité, une connaissance de leur métier, déjà une oeuvre qui les caractérise, les identifie. J'ai souhaité cela pour enrichir, pour sortir, de temps en temps, de ma chère solitude. Ce sont de belles présences que je n'ai pas eu à supplier, ni à solliciter. J'ai ouvert la porte et elles sont venues naturellement.
Comment avez-vous réussi à concilier notoriété et art de vivre ?
Georges Moustaki. Je n'ai pas de copie à rendre. Je fais mon métier avec beaucoup de bonheur, de passion, mais je n'ai pas cherché à rester en haut de l'affiche, à vendre des millions de disques. Depuis l'âge de vingt-quatre ans, j'écris des chansons qui m'ont mis à l'abri de la course au cachet, de développer son ego. J'ai eu une reconnaissance de très bonne heure dans ma carrière d'auteur, puis de chanteur. Les choses se passent bien. Je n'ai pas envie d'en faire plus. J'en fais beaucoup, je trouve. Mais, c'est vrai que par rapport à mes confrères, j'ai souhaité avoir une vie beaucoup plus tranquille. C'est un choix de vie, un choix de refuser ce qui n'est pas indispensable à mes aspirations. La notoriété n'était pas prévue au programme. Elle m'est tombée dessus. En 1969, j'ai eu l'imprudence ou la tentation de ne pas savoir où cela menait, et je suis encore dans la course.
       
Au moment ou l'on célèbre les quarante ans de Mai 68, vous dites que ce fut pour vous « un moment de grande poésie » ?
Georges Moustaki. C'est comme ça que je qualifierais ce qu'on appelle les événements, la révolution, la révolte. Pour moi, c'était la poésie qui s'exprimait dans la rue, avec des revendications sociales, mais tout cela était en termes politiques, et c'est peut-être ce qui faisait sa beauté. J'ai entendu ce qui se passait à la Sorbonne. J'étais à Caen et nous sommes rentrés parce qu'on avait envie de savoir ce qui s'y passait. C'était exceptionnel. Comme je n'habite pas loin, j'étais confronté tous les jours aux bruits des bombes lacrymogènes, des manifestations qui avaient lieu dans le voisinage. Je suis allé voir avec des amis musiciens et on a décidé d'accompagner les événements avec nos guitares et nos chansons. On a été présents, mais pas en première ligne. On était très solidaires et concernés par ce qu'on était en train de vivre.
Dans le Temps de vivre, vous aviez écrit : « Écoute ces mots qui vibrent sur les murs du mois de mai »...
Georges Moustaki. La poésie est contagieuse. Elle était partout sur les murs, cela m'a donné envie d'être en résonance. Il n'y a pas eu beaucoup de chansons écrites sur ce mois de mai. La vraie poésie, elle était dans les rues. Avec ces mots, j'indique la source. C'est une chanson qui accompagnait un film de Bernard Paul, le Temps de vivre, qui se tournait au mois de mai 1968, adapté d'un livre d'André Remacle, écrivain communiste de Marseille. Il y avait une concordance entre le film, le livre, les événements et la chanson.
Est-ce que le « juif errant », le « métèque » que vous avez tant chanté, continue de voyager ?
Georges Moustaki. Un peu moins, parce ce que j'ai fait le tour de certaines curiosités, mais je continue de voyager pour chanter. Quand je ne chante pas, je vais en Grèce, dans une île, voir des amis, dans un endroit de rêve, dans une maison accueillante avec des choses très simples : la pêche, les repas dans une taverne, les promenades...
             
La scène, c'est toujours un moment de bonheur, de partage ?
Georges Moustaki. Pour le moment, cela me paraît indispensable. Si j'écris des chansons, ce n'est pas pour faire des disques et les mettre en boîte. C'est pour les promener et les chanter devant les gens, sans aucune barrière technologique, sinon une sono convenable. C'est là où le plaisir de faire la musique s'exprime le plus.
Qu'elle image aimeriez-vous laisser ?
Georges Moustaki. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais j'ai envie de faire une fondation. Une fondation pour réunir la richesse des instruments, les partitions, les beaux objets, des réalisations que j'ai créées ou qu'on a créées autour de moi. Pour ne pas que ce que j'ai fait tout au long de ma carrière, soit dispersé. J'ai peut-être été traumatisé par ce qui est arrivé à Barbara. Quand elle est morte, tout a été dispersé. J'aimerais réunir des choses qui me tiennent à coeur aujourd'hui, non pas pour en faire des icônes, mais simplement, quand je ne serai plus là, savoir qu'elles existent. C'est une idée que j'ai depuis longtemps. Je me souviens, après la disparition de Barbara et de cette dispersion un peu choquante, Jean-Claude Brialy m'a dit : « Il ne faut pas mourir. » Voilà quelqu'un qui est parti en réglant tout avec ses proches, ses amis, le public. Il a laissé un état des lieux impeccable.
 
Georges Moustaki dans l'Humanité:
                       
Source: L'Humanité

 

 
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